Tout juste votre mot, «amour», pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ?

Tout juste votre mot, «amour», pour le plus grand des sentiments, la plus grande des vertus ?

Qu’on ne s’y trompe jamais, la langue francaise a herite la d’un commentaire multiple, un mot-tiroir, un mot-valise, plein de sous-entendus et de nuances, ou chaque epoque a inscrit ses interrogations et ses certitudes. Dans l’Antiquite, il fallait une triade – eros, philia et agape –, pour deployer toutes les couleurs de l’amour.

«L’eros reste l’amour concu comme ardent desir d’etre uni a quelqu’un», souligne Monique Canto-Sperber, philosophe et directrice du Dictionnaire d’ethique ainsi que philosophie morale (PUF).

La philia, elle, designe «une relation empreinte de reciprocite et d’estime mutuelle». Ce terme, souvent traduit par «amitie», a une portee plus large, et consiste en une affection qui se caracterise par la volonte d’entretenir avec autrui des rapports ou se manifeste une certaine excellence morale.

«Enfin, l’agape est l’amour consacre a autrui, mais autrui considere dans sa qualite fondamentale d’etre un humain et un futur. C’est un sentiment sans attente de reciprocite et d’une certaine facon independant de votre qu’est l’aime.»

DESIR ET RAVISSEMENT

Comment les Grecs se rapportaient-ils a ces distinctions, quels usages en faisaient-ils ? «Une chose reste sure, les Grecs et les Romains separaient plus fortement que nous ne le faisons le joie du desir, repond Paul Veyne, historien de l’Antiquite. Dans l’Antiquite, le joie reste omnisexe – ce qui explique la frequence de l’homosexualite – alors que le desir, lui, choisit 1 sexe.»

L’amitie, de le cote, pouvait y etre ardente. «Les Romains etant capables d’en faire une veritable passion, alors que votre forme d’amitie reste aujourd’hui peu populaire et toujours suspecte d’homosexualite», poursuit l’historien.

L’AMOUR CHRETIEN

Le terme agape connait une gloire plus tardive. On sait que son usage est connu d’une litterature paienne, on le trouve dans l’?uvre du philosophe juif hellenise Philon d’Alexandrie (premier siecle avant l’ere chretienne), mais le concept connut une promotion soudaine quand des auteurs du Nouveau Testament l’adopterent Afin de designer l’amour chretien.

Dans ce contexte, agape – traduit par amour ou charite – designe la vertu des vertus, comme dans l’Hymne a l’amour d’une premiere lettre de Paul aux Corinthiens (chapitre 13) et la premiere epitre de Jean.

AU MOYEN-AGE, L’AMOUR SOUS TOUTES SES FORMES

C’est au XIIe siecle que va surgir profil russian brides le commentaire «amor» Afin de designer l’amour. «Les medievaux ont 1 vocabulaire plus pauvre que des Grecs, ils ont “amour” et “charite”, point final», resume Michel Zink, specialiste en litterature amoureuse du Moyen Age.

Le mot « charite », qui vient du grec, via le latin, s’est promptement specialise pour designer l’amour divin et l’amour se manifestant dans les ?uvres, d’ou le sens moderne de «bienfait envers nos pauvres» (Petit Robert) qu’il a commande par la suite. «Cette dichotomie imposee avec le vocabulaire complique la tache des medievaux, poursuit Michel Zink. Ils doivent sans cesse rappeler que l’amour recouvre bien, et que la vraie charite, c’est l’amour !»

Dans son vocabulaire, comme dans sa reflexion, le Moyen Age se degote donc dans une tension. «Il est a Notre fois moyen de l’invention d’une poesie une passion amoureuse, de l’eros, ainsi, Notre premiere epoque chretienne qui reflechit, plus que pas, sur l’amour sous l’ensemble de ses formes, y compris l’amour de Dieu et du prochain.»

LE ROMAN D’LA ROSE

Dans ce contexte, les auteurs du Moyen Age n’hesitent jamais a se servir de le mot amor Afin de qualifier l’amour humain tel l’amour divin. LeRoman d’la rose, best-seller du Moyen Age (lire ci-contre), traduit cette double polarite.

Dans sa premiere part, il va i?tre un chant en passion amoureuse, irrigue par la poesie des troubadours, dont est celui qui tient la plume, Guillaume de Lorris. Dans la seconde, redigee via Jean de Mun, un clerc et un savant, il s’oriente par une reflexion encyclopedique et theologique qui cherche a rassembler l’article d’une connaissance de l’amour. Au «jardin de Deduit», jardin du ravissement, scene du coup de foudre initial, fera pendant la «prairie de l’Agneau», paradis final ou l’Amour mene paitre ses elus…

LES QUALITES DE CELUI QUI APPRECIE

Mes nuances de l’amor medieval se devoilent dans ses usages. On le voit etre distingue d’«amar», l’amour bestial. «L’amor est le bon amour, l’amour exigeant, qui n’est pas obligatoirement chaste, mais qui est maitrise et noble», precise Jacques Zink.

Quant a Notre poesie, dont celle de Chretien de Troyes, elle se plait a des jeux de mots entre le verbe aimer (amer) et ses homophones «amer» («amertume») et «la mer», car le sentiment amoureux reste ambivalent, dangereux comme une mer immense et inconnue…

Le Moyen Age elabore dans le aussi temps tout un cors de doctrines precisant des qualites que doit developper celui qui aime. Cela vante la «mesure», la maitrise de soi, ainsi, «le prix» ou le merite. «Il faut aimer de facon a votre que i§a augmente ce merite, aimer une dame qui possi?de du prix, aimer pour avoir soi-meme du prix», explique Jacques Zink.

Cela valorise «joi» (nom masculin), la joie, et « joven », la jeunesse. «Joi, c’est a la fois le bonheur et l’inquietude de l’amour, precise Michel Zink. Et joven, c’est une manii?re d’energie, c’est l’elan vital d’une jeunesse. Ce n’est gui?re seulement une question biologique mais une question morale. C’est, pourrait-on dire, la maniere de vivre d’la jeunesse.»

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